Pédagogique Point chaud / en émergence

Vaut-il mieux expliquer d’abord et faire pratiquer ensuite, ou présenter un problème d’abord et donner les explications après?

La posture relativement passive des étudiants est au coeur des critiques de l’exposé magistral. Pourtant, certains chercheurs soutiennent que les novices bénéficient davantage de l’instruction directe que de la découverte, même guidée. Certains auteurs rejettent d’ailleurs l’idée que l’étudiant soit nécessairement passif lorsqu’il écoute un exposé : l’étudiant peut être cognitivement très actif pendant qu’il écoute. En même temps, les méthodes actives ont démontré leur supériorité sur l’enseignement magistral traditionnel dans plusieurs études. Comment démêler ces informations en apparence contradictoires? L’apprenant novice est-il mieux de se faire expliquer la connaissance, ou de faire des activités qui vont lui faire développer la connaissance dans l’action?

Le professeur Daniel Schwartz, co-auteur de la méthode des « cas contrastants », et des collègues, proposent une piste de réponse dans deux articles qui étendent leurs travaux sur la méthode des cas contrastants. Les articles portent sur des expériences de comparaison entre l’analyse de cas contrastants suivie d’enseignement traditionnel vs l’enseignement traditionnel seul (l’approche « explication d’abord — application ensuite »).

Contexte

Selon eux, les études qui montrent que la séquence explication-application fonctionne bien chez les novices porteraient surtout sur des habiletés procédurales à plusieurs étapes. C’est le reflet d’une préoccupation pour rendre les gens efficients plutôt qu’adaptatifs. Or, les besoins de la société ont évolué vers l’adaptativité. Bien qu’importante, l’efficacité d’une méthode pour l’apprentissage de procédures ne suffit pas pour conclure qu’une approche est globalement meilleure. Un plus grand défi est de faire en sorte que les apprenants reconnaissent les situations où leurs connaissances s’appliquent et adaptent leurs connaissances pertinentes à des situations inédites (ce que l’on appelle le transfert « éloigné » des apprentissages). La compréhension de la structure de fond des phénomènes est l’enjeu principal pour le transfert des apprentissages. C’est justement la force des cas contrastants.

Résultats

Au fil de plusieurs expériences, Schwartz et ses collègues arrivent à une conclusion nuancée. Mettre les étudiants en action d’abord avec des cas contrastants est effectivement bénéfique. Les cas doivent être créés avec soin selon une approche systématique et les consignes données aux étudiants doivent orienter leur analyse des cas sur les bonnes tâches cognitives. Cependant, le bénéfice immédiat n’est pas tant de faire apprendre directement, mais plutôt de préparer les étudiants à bien apprendre d’une explication ultérieure. Il ne s’agit pas d’une approche d’apprentissage par la découverte, mais plutôt de préparation à l’apprentissage par une analyse guidée. La méthode ne prend son plein effet que si on donne une leçon après l’analyse de cas (sans cette leçon, la méthode n’est pas complète et n’atteint pas son potentiel).  L’approche traditionnelle « explication-application » est beaucoup moins performante.

Conclusion

En somme, tant l’instruction directe suivie de pratique que l’apprentissage par l’action seraient inférieurs à une préparation par l’action suivie d’une leçon traditionnelle et de pratique. L’instruction directe est efficace dans la mesure où les apprenants y ont été préparés par des expériences pertinentes. Paraphrasant Bransford et al. (1989) Schwartz et collègues (2011) écrivent :

[…] students first need to experience the problems that render told knowledge useful.

Il sera utile de suivre les futurs développements de ce courant de recherche, car le transfert des apprentissages est un enjeu majeur en éducation.

Sources:

Schwartz, Daniel L., Chase, Catherine C., Oppezzo, Marily A., & Chin, Doris B. (2011). Practicing versus inventing with contrasting cases: The effects of telling first on learning and transfer. Journal of Educational Psychology, 103(4), 759-775. doi: 10.1037/a0025140

Schwartz, Daniel L., & Martin, Taylor. (2004). Inventing to Prepare for Future Learning: The Hidden Efficiency of Encouraging Original Student Production in Statistics Instruction. Cognition and Instruction, 22(2), 129-184. doi: 10.1207/s1532690xci2202_1

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