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“Habits of mind”, une nouvelle expression à la mode ?

Sonia l’a mentionné dans un article récent. J’ai buté sur l’expression – que l’on retrouve parfois sous l’acronyme « HoM » – à quelques reprises et encore aujourd’hui :

« No matter the student’s level or major, teachers should focus on equipping them to think about science more like scientists rather than teaching facts to regurgitate in tests, [Carl] Wieman [prix Nobel de physique 2001] argues. “This means acquiring the problem-solving skills, habits of mind, content knowledge and beliefs about the nature and relevance of the subject that are like those of practising experts,” he writes.

With the amount of information readily available to anyone with a laptop and the speed with which technical knowledge changes, these “habits of mind” are as important as content, [David] Vogt [professeur à la University of British Colombia] explains. “The average individual can expect to change careers half a dozen times before they retire. Therefore we need students who are able to embrace change, who are highly versatile learners in a continuous way and who are very confident across a variety of disciplines,” he says. “What you want to do is immerse them in the culture of a discipline. How do experts pursue this field? The content becomes almost irrelevant.” » (Millar, 2012)[mes emphases]

La récurrence de cette expression m’apparaît importante puisque l’article du Chronicle dont parlait Sonia mentionne : « References to habits of mind and ways of thinking have been cropping up regularly in descriptions of revised core curricula, course learning outcomes, and syllabi. » (Berrett, 2012; mon emphase)

Une recherche Google Trends n’est pas concluante avec l’expression « habits of mind » (volume de recherche à 44 % en septembre 2012), mais la même expression au singulier (« habit of mind ») atteint le volume maximal de recherche en septembre 2012 (100 %), avec des pointes en septembre 2011 (82 %) et en mars 2012 (75 %).  Il faut remonter à janvier et août 2008 pour trouver un tel engouement pour cette expression (89 % et 83 %).

« Habits of mind » se traduit mal.  Sonia avait opté pour « habitudes de réflexion ».  L’outil Linguee nous rapporte aussi « façons de penser », « habitudes de pensée », « habitudes de l’esprit », « habitudes et habiletés intellectuelles », « habitudes mentales », « modes de pensée », « attitudes d’esprit personnelles », « qualités d’esprit », « tournures d’esprit ».  J’ai lu ailleurs « mentalités ». Personnellement, j’aime bien « dispositions d’esprit ».  L’Office québécois de la langue française n’a pas encore statué.

Mais ce n’est évidemment pas si nouveau que cela…

Dans la littérature scientifique, plusieurs auteurs attribuent la paternité du concept à une série d’ouvrages de Costa et Kallick, notamment Habits of Mind – A Developmental Series (2000) et Discovering & Exploring Habits of Mind (2000).  Costa et d’autres auteurs développaient cependant dès le milieu des années 1980 cette idée que les « penseurs efficaces » partagent certaines caractéristiques.  Dans une courte vidéo, Arthur Costa explique ce qu’il entend par cette expression :

« So what are these habits of mind? Basically the habits of mind are a set of dispositions that describe an effective efficacious thinker. These are the attributes in the dispositions and inclinations of the expert problem solver, the thoughtful decision maker, the creative thinker.  The habits of mind are dispositions that people hold that guide their decisions in day-to-day life.  What we would hope is that the habits of mind become like an internal compass that guide a person’s decisions as that they are solving problems, as they are responding to conflicts, intentions and their environment, as they encounter problems that befuddle them.  They are the skills and strategies that a person might use when they are confronted with problems the answers to which are not immediately known. » (Costa, interviewé par Mindfulbydesign, 2009)

D’après Costa et Kallick, ces « dispositions » ou « habitudes » des apprenants qui réussissent le mieux (successful learners ou peak performers) sont au nombre de seize :

  1. Persisting
  2. Managing Impulsivity
  3. Listening with Understanding and Empathy
  4. Thinking Flexibly
  5. Thinking about Thinking (Metacognition)
  6. Striving for Accuracy
  7. Questioning and Posing Problems
  8. Applying Past Knowledge to New Situations
  9. Thinking and Communicating with Clarity and Precision
  10. Gathering Data through All Senses
  11. Creating, Imagining, Innovating
  12. Responding with Wonderment and Awe
  13. Taking Responsible Risks
  14. Finding Humor
  15. Thinking Interdependently
  16. Remaining Open to Continuous Learning
Il existe un institut fondé par Costa et Kallick qui vise à transformer les écoles en « communautés apprenantes » où les HoM sont enseignées et reconnues.  L’institut forme des enseignants et accrédite des écoles.  Depuis 2003, le Australian Schools Network a adopté cette liste comme un outil permettant d’améliorer l’environnement d’apprentissage partout en Australie (Campbell, 2007).
John Campbell (2007) de la Central Queensland University admet volontiers que « HOM are presented as an a-theoretical body of knowledge, underpinned by little more than intuitive common-sense and experts testimonials. »  C’est pourquoi il s’attarde à associer les différentes habitudes de Costa et Kallick aux travaux de Dewey et autres théoriciens de la nature de l’intelligence, à ceux des théories de l’apprentissage (traitement de l’information, métacognition, constructivisme et apprentissage social), fait des liens avec l’intelligence émotionnelle, les découvertes de la recherche sur le cerveau, etc.  Il espère en dégager un cadre théorique pour l’apprentissage.
La résurgence du concept d’« habits of mind » dans le discours s’explique sans doute partiellement par la pression que subissent certaines disciplines fondamentales pour enseigner à leurs étudiants des habiletés dites « utiles pour le marché du travail ».  Ceux qui soutiennent cette idée rappellent qu’il est plus important de former une « bonne tête » que d’enseigner des faits, rapidement oubliés et facilement accessibles sur le Web.  La difficulté d’enseigner de telles attitudes et de les évaluer est cependant évoquée par les sceptiques.  Comme le rappelait Éric dans un article de juillet 2010, la recherche montre que l’enseignement de la pensée critique est difficile sans une assise disciplinaire forte.

Sources : 

Berrett, Dan, « Habits of Mind : Lessons for the Long Term », The Chronicle of Higher Education, 8 octobre 2012. [contenu réservé aux abonnés]

Campbell, John, « Theorising Habits of the Mind as Framework for Learning », Australian Association for Research Education, 2007

Costa, A et B. Kellick, « Describing 16 Habits of Mind », Association for Supervision and Curriculum Development, 2000 [article adapté de Habits of Mind : A Developmental Series, 2000]

McKernie, Kelsey, « Going Beyond the Bubble: Stanford’s New Approach to History Assessments », History News Network, 22 octobre 2012

Millar, Erin, « Classroom of 2020: The future is very different than you think », The Globe and Mail, 22 octobre 2012.

Mindfulbydesign.com, Art Costa talks Habits of Mind, YouTube, 9 janvier 2009 [vidéo, durée: 1 min 11]

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Jean-Sébastien Dubé

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